Des entreprises nourries au GPL.



Les valeurs du libre.

Le geek, un etre social.

L'image archétypique du programmeur de lociciels libres est paradoxalement celle d'un être solitaire, vivant hors le monde réel devant son ordinateur. Paradoxalement, car les logiciels libres tiennent justement leur force d'un mode de production collaboratif, énormément facilité par l'internet.

La communauté mondiale qui s'est construite autour de ce projet a appris à travailler dans la liberté, tout en sachant s'organiser, souvent de manière remarquablement efficace.

Des projets majeurs ont vu le jours et se sont développés sur la base du volontariat, sans hierarchie contraignante et tatillonne.


Les origines.

Parallèlement, les valeurs que les pères fondateurs1 ont voulu donner au Libre sont celles du partage, de l'entraide et de la liberté, celles qu'ils expérimentaient, ou souhaitaient expérimenter, dans leur fonctionnement, inspiré de la communauté scientifique2 dont beaucoup sont issus.Ces valeurs passent par la liberté de l'information, par un partage, une mise à disposition de celle ci.


L'informatique apporte un changement

Comme dans toute évolution de la vision des rapports sociaux, on peut penser qu'un changement dans la manière de produire ou de distribuer les richesses est en cause. Ce changement est en fait incrit dans la nature même de l'informatique.


On dit souvent, à raison, que le contrôle de l'information est le véritable pouvoir. Or, l'informatique est le traitement automatisé de l'information3. La présence des réseaux informatisé amène des possibilités plus étendues du partage de l'information, donc une nouvelle vision de ce partage.

Les nouvelles technologies qui favorisent la communication horizontale dans l'entreprise 4.(mais aussi l surveillance verticale) peuvent donc donner l'idée de changer les rapports hierarchiques, d'autant plus que l'on sort complètement du schéma "à la germinal" des débuts de l'ère industrielle où le savoir théorique était détenu par "monsieur l'Ingénieur" et ses aides face à une foule ouvriere peu instruite. Le savoir necessaire à la vie d'une entreprise high tech se trouvent maintenant surtout chez les employés.

- Est il encore rentable que l'information stratégique de l'entreprise leur échappe?

- Est il rationnel qu'ils ne particippent pas à la prise de décision?


On a donc encore un paradoxe apparent: l'apparition d'une nouvelle conception de l'échange d'information, qui se retrouve dans les logiciels libres, dans deux milieux très différents: le monde de la recherche et celui de l'entreprise.


questions

De manière plus générale:

- Les valeurs du logiciels libre sont elles réalistes, où au contraire est ce que ne pas appliquer ces valeur est encore réaliste?

- Sont elles compatibles avec notre économie?

- Ou ouvrent elles la voie à une autre économie?

- ce modèle est il transposable dans d'autres domaines que l'informatique?

- est il une alternative à la concentration en grands groupes monopolistiques que l'on semble observer?


Une expérience originale, bien française permet de donner un début de réponse à ces questions, et d'en soulever d'autres, tout aussi interessantes.


Un réseau d'entreprises libres.

Les pionniers.

C'est à Paris, à Montparnasse , , qu'est apparu en 1997 Easter Eggs5, la première de ces entreprises libres,

Dès l'origine, elle fut une entreprise auto détenue par ses employés, désirant implémenter dans son fonctionnement les valeurs du mouvement des logiciels libres, .6démocracie, transparence, entraide, que certains étasunniens francophones et barbus préferent traduire par liberté, égalité, fraternité.


La première conséquence de ces valeurs était une exigence de gestion démocratique.


On y pratique donc la démocratie , la transparence et la plus grande liberté possible de d'accès à l'information. Tout salarié peut accéder à toute l'information de l'entreprise.

Les revenus et les pouvoirs de vote sont distribués à égalité. Le principe est "un employé(e), une voix".

(Les robots me votent pas encore. La liberté pour un OS n'implique apparement pas le droit de vote Qu'aurait dit le Dr Suzanne Calvin?7).

<<Plutôt que la classique hiérarchie fixe, c'est plutôt une hiérarchie de fait, dépendant des projets et variant au cours du temps qui a tendance à s'installer. Des responsabilités sont attribuées suivant les cas traités en fonction des compétences et disponibilités de chacun.>> ( copyleft 2004 Antoine et Nicolas Ducoulombier)


Un statut juridique original a été trouvé pour assurrer cette démocratie8.


Des listes de courriel internes et des réunions, lorsqu'elles sont possibles, permettent cette circulation horisontale de l'information, et facilite la participation de tous aux décisions.

La coordination des projets est faite à tour de rôle suivant les occasions, les compétences et les centres d'interet de chacun.


Le modèle paraissait utopique, "soixantehuitard", mais il fonctionna, et fonctionne toujours.!

Les employés vivent du fruit de leur travail, et la réputation de qualité des ouvrages d'Easter Eggs n'est plus à faire.

En réalité, ce fonctionnement particulier fait que chaque membre de l'entreprise se sent concerné par le succés de son entreprise. Son entreprise au sens on non seulement il y travaille, mais aussi au sens ou il en est propriétaire. L'impliquation personnelle est donc forte. cette constatation est valable pour l'ensemble des entreprises du réseau.


Une taille critique

L'expérience et la croissance de Easter Eggs, ont permis de trouver une limite à ce modèle. À partir de 20 employés, il est difficile de faire participer tout le monde aux prises de décisions.

Les occasions d'avoir tout le monde présent pour les réunions de concertation se font de plus en plus rares, à cause des déplacement pour intervenir chez les clients, pour trouver d'autres contrats, etc.. C'est un problème majeur pour cette équipe qui s'est rassemblée justement sur un projet de démocratie participative, d'auto-gestion, où les décisions ne sont pas déléguées mais prises par l'ensemble de la communauté réunie en chapitre9

Des logiciels de votes (GPL naturellement) ont été développés pour atténuer ce problème.

Mais une solution plus structurelle devait être trouvée.

Une crise utile.

La fin de la bulle internet fut l'occasion d'une remise en question finalement fondatrice et bénéfique.

Les difficultés dues à une baisse d'activité furent abordées comme tout problème avec transparence et dialogue.

La décision a donc été prise de limiter les effectifs de EE. Cette concertation fit que la plupart des départs furent volontaires et tournés vers des projets personnels. Par exemple ce fut l'occasion de la création de Entr'ouvert10.

Au cours des rencontres mondiales du logiciels libres 2002 plusieurs entreprises de services en logiciels libres émirent à leur tour le souhait de recevoir de l'aide et des conseils pour fonctionner pareillement avec ces valeurs du libre. Peu à peu de ce bouillonnement, de ce bazard, sorti encore une fois sinon une cathédrale, au moins un réseau d'entreprises libres, désirant vivre les mêmes valeurs de démocratie et de transparence, constituées de passionnés du mouvement du logiciel libre. On me peut pas dire qu'il y eu une assemblée générale inspirée ou cette idée de réseau sortie pure et nue comme la vérité du cerveau d'un geek génialement alternatif. Ce fut un processus de paroles échangées, d'idées testées, d'oportunités qui amena doucement cette réflexion au cours des années 2001 et 2002.

Le fonctionnement en reseaux.

Liberté et spécialisation.

Peu à peu le reseau se constitua, au fur et à mesure que ses avantages apparaissaient.

Chaque boite conserve la souplesse et surtout la convivialité d'une micro structure. On reste à des tailles où il n'est pas trop difficile de rencontrer les autres régulèrement, ne fusse qu'autour d'une tasse de tisane. Chaque entreprise peut se spécialiser suivant les goûts et les opportinités de ses membres, ce qui donne de la cohérence à chaque unité du réseau.

Chaque entreprise voit peu à peu son profil de client se spécialiser;

<<On connaît au sein du réseau, qui est bon en quoi.>> (un membre du réseaux).


Les principes de transparence

Le réseau d'entreprises libres applique la transparence sur 3 niveaux.


Transparence interne.

libre accés

Chaque employé à accès à la comptabilité, aux projets, à toutes l'information stratégique. On a vu que cela est la base d'une structure avec le minimum de hiérarchie possible..

Les décisions sont donc prises en connaissance de cause par les employés. On remarquera au passage que cela englobe un des principe de la "Démarche Qualité" : qui demande de s'assurrer que chaque employé doit avoir à sa disposition les information nécéssaires à sa t^ache. On est à l'opposé de la classique tactique de harcèlement moral consistant à donner une mission impossible à un employé que l'on veut briser.

Chaque entreprise libre est naturellement totalement indépendante sur sa gestion.

Parfois cela ouvre à des collaborations sur des projet de logiciel.


Listes .

Dans un milieu d'informaticiens, les listes de diffusion ou d'échange sont naturellement devenu un outil important. Je connais une de ces entreprise comportant 3 membres, travaillant dan la même pièce, qui pourtant ont institué entre eux plusieurs listes, une par domaine.

Ces listes permettent de garder une mémoire, et sont plus éfficaces qu'un répondeur ou un post-it pour faire parvenir l'information aux absent temporaires.


Vis à vis des salariés des autres Entreprises du réseaux


Ces listes de diffusions peuvent etres accessibles sur demande aux salariés des autres

entreprises. Elle permettent le partage d'expériences entre entreprises. Ces listes internes sont vraiment importantes car elles constituent des archives pour le reste du réseau d'entreprises libres.


En général donc, chaque membre peut savoir ce que font les autres entreprises du réseaux, les projets développés et les clients démarchés.


Pour les clients.

La demande de transpartence des clients sur leur fournisseurs est à la mode, et elle est légitime. Dans ce cas particulier, cette transparence est une conséquence de la transparence générale.

Ces entreprises ont plus d'une stratégie de services plus que de stratégie de produits. Cela facilite les choses.

le secret sur le produit n'est pas utile.

Il n'est absolument pas nécessaire de garder secret le code des logiciels installé, ni m^eme les méthodes de travail. Je ferai une comparaison avec un des plus vieux métiers du monde:

la poterie11.

On sait depuis des millénaires faire des poteries, choisir les terres, le pigments et on connait diverses méthodes de façonnage et de cuissons encore valables, m^eme si d'autres ont été dévellopées depuis. la poterie industrielle existe.

Et pourtant ces dernières années le nombre de potiers n'a pas diminué. Ils peuvent m^eme s'installer les uns à coté des autres dans des villages consacrés à l'artisanat. Loin de souffrir de la concurence, Ils n'en aurons que plus de clients.

C'est donc la qualité du travail et des relations avec les clients qui font vivre ces potiers, pas le secret de la poterie.

L'image des entreprises libres.

La transparence ne joue pas que sur les services facturés, mais aussi sur le fonctionnement autogéré de ces entreprises.

Naturellement ce n'est pas caché au client.

<<La plupart des clients ne le savent pas. Ce n'est pas un argument marketing. Par contre, si le client est intéressé par notre fonctionnement, on lui explique avec plaisir!>> (Un membre de Les Développements Durables).

Une minorité de clients est motivée par cet aspect, mais cette motivation peut devenir alors très forte.

Pour certaines intitutions régionnales, le réseaux est devenu la référence en matière de sociétés de services en logiciels libres.

Dans le monde associatif et militant de ma région, j'ai personnellement pu observer que ce statut provoquait l'interet, ouvrait des portes, et donc des possibilités d'activités locales, puis nationnales par bouche à oreille.



Difficultées.

En interne.

La principale difficulté on l'a vu est de réunir l'ensemble des membres d'une entreprise. À l'échelle du réseau, les réunions annuelles, fort sympatiques, à l'occasion des RMLL ou de solution Linux comptent aussi leur lot d'absents ou de retardataires.

Les entreprises libres sont géographiquement dispersées. On a vu que des moyens informatiques, mais aussi une bonne dose de bonne humeur compensent ces difficultés.

En externe.

Pour certaines entreprises clientes, la transparence peut poser problème. Elles craignent qu'elles soit l'occasion de fuites. Comment seront utilisées ces informations?


En fait les entreprises clientes ne savent en général pas vraiment que le réseaux de Libre Entreprise pratique cette transparence. De toutes façons, pour la plupart, ce ne serait pas différent de l'organisation en filiales pour un

grand groupe.


De plus, la transparence du réseaux ne va pas jusqu'aux données des clients. Il arrive même que des entreprises du réseau soient sur un projet dont elles n'ont pas le droit de parler à la demande du client .

Jusqu'ici, cet inconvénient réel a été largement compensé par des avantages de fonctionnement et dans certains cas par l'attirance de clients pour ce mode de fonctionnement.


Avantages

Devant cette transparence du réseau, j'ai naturellement pensé au soucis du secret, et meme au réflèxe de mensonge systèmatique que j'ai pu voir dans d'autres entreprises. Est ce que personne dans ce réseau ne craint de se voir voler un client, une idée?

En fait le problème de la concurence est largement compensé par par la mise en commun des compétences.

Un membre du réseau s'exprime sur ce sujet:

<<En passif, on voit ce que font les autres et on l'incorpore. En actif, nous parlons de nos idées, et nous recevons souvent des suggestions des autres.>>( Un membre de "Les Développements Durables")

<<On peut avoir peur de se faire piquer ses bonnes idées, mais on passe plus de temps à piquer celles des autres.

Par contre on ne se pique pas les clients. La transparence fait que l'on s'en appercevrait. En fait cela peut apporter une mise en commun de ressouces pour démarcher ou répondre à un client.

Les idées ne sont pas des objets comme des tasses de café. Comme si les idées étaient brevetées.

Ca ne nous coute rien si on nous prend une idée. c'est immatériel. quelqu'un peut completer notre idée.>>

(remarque de l'auteur)-Mais vous êtes des révolutionnaires!

<<Non nous sommes normaux. ce sont les autres qui font de la compétition alors qu'il est plus productif de coopérer.

<<On n'a pas besoin de faire mieux que les autres. On fait avec les autres.>>



D'autres secteurs?

Apparement cette expérience est née en France. Le réseau s'étend au Quebec.

On connaît peu d'exemples dans d'autres domaines. On peut parler de la scierie "Ambiance Bois" dans le massif central12, , ou la filature Ardelaine en Ardèche dont le fonctionnement se rapproche beaucoup de celui des entreprises libres. Ces entreprises sont elles meme dans le "Réseau d'Échanges et de Pratiques Alternatives et Solidaires" (REPAs).13

. Il faut signaler le réseau des coopératives de Mondragon au pays basque espagnol, qui fonctionne depuis 30 ans sur des principes similaires.


Conclusion.

Avertissement.

Cette conclusion n'engage pas la rédaction de GNU/Linux magazine, mais seulement l'auteur.

En fait j'engage chacun à se renseigner par lui meme sur les sites, ou en rencontrant les membres du réseau de libres entreprises lors des RMLL..

Des personnes d'opi nions politiques très diverses ont pu retouver leurs valeurs dans le mouvement des logiciels libres. il peut en etre de meme pour ce réseau de libres entreprises, à la fois libérales et colectives, mais assurément innovantes et offrant des solutions interessantes aux problèmes socio-économiques actuels.


On a donc un modèle d'entreprise proche des scop14 , mais qui va plus loin dans l'égalité des statuts des membres, et l'exigence de transparence..

Ce modèle s'adapte et profite des nouvelles technologies, réseaux intranet, ERP, etc...Il correspond aux demandes d'une population plus instruite. Il donne une solution aux problèmes venant de la dilution des responsabilités environementales, éthiques, ou sociales des grandes entreprises capitalistes classiques, ou les employés executent les ordres pour conserver leur emploi, la direction se trouve dans l'obligation de satisfaire les investisseurs15, qui doivent satisfairent leurs cotisants, etc..

Avec des entreprises autogérées et transparentes les responsables sont clairement identifiés. il y a fort à parier que même avec des membres moins conscientisés, cette position amenerait rapidement cette conscience de la responsabilité des actes de l'entreprises sur leurs conséquences internes ou externes, mais aussi, l'information nécessaire à assumer cette responsabilité serait plus facilement accéssible à ceux qui en ont besoin.

Dans ce cadre, polutions volontaires, corruption, harcélement moral, OPA hostiles, licenciements abusifs deviennent beaucoup plus difficiles.

On objectera que cela me peut fonctionner qu'avec de petites structures sans outil industriel.. En dehors des coopératives de Mondragon et d'autres exemples historiques (kibboutzim, utopies saint simoniene, etc..) qui montre la faisabilité d'entreprises autogérée industrielles, on peut remarquer que dans le cadre de ces grandes entreprises, les "experts " préconisent déjà que chaque bureau, chaque atelier soit une unité de profit. Pourquoi ce centre de profit me serait il pas un atelier libre dans un réseau libre?

Comment celà se passeraît il avec des employés moins idéalistes.que des pioniers du logiciel libre?

La fonction crée l'organe: Je fais le pari qu'il pourraient devenir idéalistes dans ce cadre, ou au moins solidaire localement. Un des besoins fondamentaux de l'être humain, immédiatement après les besoins vitaux matériels, est de se sentir utile à son groupe. Ce cadre s'y prète. Un groupe de 20 personnes correspond à ce à quoi l'évolution nous à formé pendant des 100 de milliers d'années ( le clan paléolithique primitif). c'est donc un paradoxe des High Tech que de nous nous ramèner à ces origines.


Actuellement les TICE, technologie de l'information et de la communication, sont à une croisée de chemins. Elles contiennent aussi bien de quoi nous entrainer vers le coté obscure, apparement plus fun des téléchargement controlés, aux DRM, qui controlerons ensuite le reste, que la possibilité de construire une société ou la transparence et la démocratie seront des fonctionnement normaux.


Le mouvement du logiciel libre de par ses origine nous ouvre la seconde voie au travers d'expériences comme les libres entreprises ou la vie des lug, les projets sous licence GPL, etc...


Encore une fois, le Libre innove, parcequ'il est plus qu'un pari technologique.


3La machine prolonge la force musculaire de l'homme, mais l'informatique sert de levier à son esprit (Pierre Jarillon).

4Hop ! Auteur : Philippe Bourguignon ,Editeur Anne Carriere- ISBN : 2-84337-330-1

7Personnage des nouvelles de I.Assimov sur les robots.

11À quoi pensiez vous donc?

12http://www.ambiance-bois.com/ Mais cette coopérative a des actionnaires extérieurs,

13http://www.reseaurepas.free.fr/

15Lesquels investisseurs en réclamant plus de gain que la croissance, finalement réclament plus que leur part, sans contribuer par leur travail. à la création de richesses.